samedi 24 avril 2010

B comme Lola

B comme…

Brussel-Bruxelles-Brussels-Bruselas


Mais c’est quoi donc, enfin, Bruxelles* ? Ça se trouve en Belgique, oui ? Mais c'est quoi cette Belgique-là ?

Cette Belgique-là est une province du Congo qui a fait sécession en 1960, non ?

Pas vraiment une province, d’ailleurs (cette Belgique-là est bien trop petite pour ça) mais plutôt un « territoire » comme on dit là-bas. Un territoire qui se compose de deux chefferies (la chefferie des Flamands et la chefferie des Wallons) et d’un centre extra-coutumier (la région de Bruxelles). Et quelque fois ça chauffe, ça disjoncte, ça se dispute

- Et si on n'est même pas capable de s'entendre avec son voisin, avec qui peut-on s'entendre ? Et si on ne s'entend vraiment plus, on se sépare, d’accord, mais on reste (olinga, olinga te**) voisins, non ? Et, de toute manière, aucune des deux chefferies qui convoitent le centre extra-coutumier de Bruxelles (pour ses meubles, ses bijoux, sa sape, son lard ou peut-être même aussi son art de la faisance ?) ne voudra jamais divorcer de ce mari polygame… parce que ça reviendrait à céder la place à sa rivale, oh ! oooh ! ooooh ! Libala oyo ekufaka te**!

et ça se rabiboche. Comme au football, quoi ! Le Football Club de Bruges, le Sporting d’Anderlecht et le Standard de Liège… il faut au moins trois équipes pour faire un tournoi, non ? Lyon, le PSG et Marseille, quoi ! Avec quand même un petit boentje pour Marseille, à cause de son entraineur, Eric Gerets qui est un ancien du Standard, non ? Et aussi l’Amicale Sportive Dragons, l’Association Sportive Vita Club et le Daring Club Motema Pembe… les trois principaux clubs de football de Kinshasa...


Bon, oublions cette Belgique-là et revenons à notre sujet : Bruxelles...

Bruxelles est une ville que j’aime habiter avec

- Ana, alias Motema Magique, alias Tantine Betena, alias Jodi !

ma femme mariée, une ville dans laquelle j’aime prendre le bus 71 (et aussi le 54, le 38 et le 95) ou le tram 81, déambuler sur les trottoirs de Matonge, aller au bistrot (un peu), boire (beaucoup), fumer (trop), rencontrer des gens… une ville en passe de devenir (qui pourrait et doit, pour survivre, devenir) une « ville du monde », une ville de tous les continents, de tous les vices et de toutes les vertus, de toutes les incongruités et de toutes les cultures

- Une ville qu’on ne peut « rattacher » à rien ! Ni à la Flandre, ni à la Wallonie ! Ni même à la Belgique ! Ni à la France, ni à l’Allemagne, ni à l’Angleterre ni aux Pays-Bas, ni au Grand-Duché de Luxembourg ! Ni au Congo (n’en déplaise à Laurent d’Ursel), ni au Maroc, ni à l’Equateur, ni au Togo, ni à la Turquie, ni au Pakistan, ni même à Israël ou à la Palestine ! Une ville libre de toutes attaches mais dans laquelle tout le monde se retrouve et à laquelle tout le monde peut se rattacher, eh !

une ville muticonfessionnelle (on y pratique le christianisme, l’islam, le judaïsme, le kimbanguisme, le rastafarisme, l’occultisme, l’animisme et aussi

- Et surtout, eh !

l’athéisme, la libre pensée et la tolérance,)

une ville polyglotte (on y parle non seulement le néerlandais et le français mais aussi, par ordre alphabétique évidemment

- Pour ne vexer personne , eh !

l’albanais, l’allemand, l’amharique, l’anglais, l’arabe, le basque, le brésilien, le breton, le bulgare, le cantonais, le catalan, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, l’ewe, le finnois, le grec, le guin, l’haoussa, l’hindi, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le kabiyé, le kikongo, le kinyarwanda, le kirundi, le letton, le limbourgeois, le lingala, le lituanien, le lorrain, le malgache, le maltais, le mandarin, le mongol, le napolitain, le peul, le pidgin, le picard, le polonais, le portugais, le quechua, le rhénan, le roumain, le russe, le sérère, le serbe, le sicilien, le slovaque, le slovène, le suédois, le swahili, le tamazight, le tamoul, le tchèque, le tibétain, le tshiluba, le turc, le vietnamien, le wallon, le wolof, le wu, le yiddish et le zoulou… et j’en passe…

Bon, voilà, esili**, t’is gedaan, mon « petit compliment » ringard (nostalgique ou visionnaire ?), sur Bruxelles-Brussel-Bruselas-Brussels est à présent terminé…


B comme Lola** !




* Extraits d’un petit « compliment » proféré sur scène, en l’honneur de Bruxelles, dans la salle de spectacle du Centre Wallonie Bruxelles, à Paris, à l’occasion du vernissage de l’exposition de photos d’Olivier Le Brun, « Bruxelles à fleur de peau », le 17 novembre 2008.


** Quelques mots et expressions du lingala de Kinshasa (mes traducteurs et traductrices attitrés étant, comme et depuis toujours, Anastase Nzeza Bilakila, Denise Mputu, Anselme Kaleme Tampi, Césarine Bolya Sinatu, Achille Ngoye, Ana Lanzas et Antoinette Safu Mbakata... et même Filip De Boeck):
- "Olinga, olinga te » : que tu le veuilles ou que tu ne le veuilles pas;
- "Libala oyo ekufaka te" : ce mariage-là ne meurt pas;
- Le "lard" : l'argent (ou, si on veut, le dollar) ;
- « Esili » : c’est fini ;
- «
Lola » : le ciel, le paradis... puis, dans un premier temps, Bruxelles... et, ensuite, Paris, Londres… toute l'Europe…